De l’idée à l’expérience,
de l’instrument à l’industrie

Les artisans des sciences au temps des Curie







Au début du XXe siècle, la Montagne Sainte Geneviève est une pépinière de constructeurs d'instruments scientifiques. De petites sociétés fondées avec des capitaux privés sont animées par des ingénieurs utilisant leur savoir-faire en micromécanique et en électricité. Elles sont conseillées par des chercheurs universitaires du quartier : "il suffit de traverser la rue" pour faire passer un instrument du laboratoire à la commercialisation. L'exemple de la société Beaudouin est typique : fondée en 1903 par l'ingénieur Charles Beaudouin, elle utilisera pendant un demi-siècle les talents des chercheurs de l'ESPCI :   Charles Féry, Fernand Holweck, ...




Charles FERY  1865-1935.

En 1882, il intègre la première promotion de l'ESPCI dont il sort major en 1885. A partir de 1902, il y est professeur d'optique et conçoit divers instruments tel le fameux spectrographe que la société Beaudouin commercialisa pendant plus d’un demi-siècle. On peut aussi citer un actinomètre pour la mesure des rayonnements solaires, un réfractomètre utilisé pour la mesure de composition des solutions, un pyromètre connu sous le nom de "lunette de Féry" encore employé dans la sidérurgie, un étalon lumineux brûlant de l'acétylène…Il faut ajouter l’horloge électrique à pendule à aimant permanent construite à des milliers d’exemplaires pour les grandes horloges rondes des quais de gare et de nos mairies. Une pile Féry était capable d'assurer leur fonctionnement pendant plusieurs années. Quand éclata  la première guerre mondiale, Féry ouvre avec l'appui du colonel FERRIE un cours de TSF et de télégraphie militaire pour les élèves de son école. Il apporte sa contribution au développement d'appareils de télémesure utilisés pour les tirs d'aviation et les bombardements.

Fernand HOLWECK   1890-1941.

Il sort major de l'ESPCI en 1910. Préparateur au laboratoire Curie, il travaille auprès de Marie puis comme maître de conférence à la faculté des Sciences de Paris, où il établit en 1920 la continuité entre les rayons ultra-violets et les rayons X. Il est l'inventeur d'une pompe à vide moléculaire qu'il couplera aux lampes d'émission de TSF afin de les rendre démontables et réparables. En 1923 il expérimente un puissant émetteur TSF de ce type au sommet de la Tour Eiffel.  Dès 1926 il met au point un système de télévision en collaboration avec d'autres chercheurs. De 1929 à 1932, il utilise avec Antoine LACASSAGNE, Directeur de l'Institut du Radium,  les propriétés des rayons X et de sa pompe moléculaire pour des applications à la biologie. A la même époque il met également au point un gravimètre pour la recherche de gisements miniers et pétrolifères. La réalisation, sous microscope, du minuscule pendule inversé était une opération si délicate, que les seuls appareils opérationnels ont été fabriqués par Holweck lui-même. Il s'intéressait au microscope électronique, aux amplificateurs de lumière, aux compteurs de photons en passant par l'astrophysique et la radioastronomie, lorsque la deuxième guerre mondiale éclate. Dès 1941, il rentre dans la résistance et participe à l'aide aux parachutistes et aviateurs britanniques sur le territoire occupé. Arrêté le 11 Décembre 1941, il est incarcéré à la Santé. Le 24 Décembre 1941 il y décède des tortures auxquelles le soumet la Gestapo.

 

Le tissu des constructeurs
d’instruments scientifiques
sur la Montagne Ste Geneviève

ALVERGNIAT CHABAUD  1859 – 1920  puis CO NTREMOULINS, VILLARD  Baromètres, thermomètres ; tubes à rayons X, pompes à mercure                 Rue Git-le-Cœur puis rue de la Sorbonne

AUZOUX, 1822-2004Matériel médical

9 rue de l’Ecole de Médecine

BEAUDOUIN, 1903-19723        1 rue Lhomond et 1-3 rue Rataud


 

 

BIANCHI, 1837-1880, vide,47 rue des Postes et rue Lhomond

BREGUET, début XIX°, horlogerie, mécanique, électricité                Le premier atelier : Quai de l’Horloge

CHEVALLIER, puis BRUNNER père et fils, microscopes, optique Quai de l’Horloge

CONIN, 1900-1980 baromètres, verrerie    6 rue Laromiguière

d’ARSONVAL, laboratoire personnel       rue de l’Arbalète

DANATT, importateur GB et autres      155 rue St Jacques

DELEUIL, 1820-1895, balances de grande précision                       8 rue du Pont de Lodi ; magasin à Londres

DUCRETET, 1864-1935 puis ACB      ( BEAUDOUIN) 1946-1955  Enregistreurs de VOL HUSSENOT-B  TSF,75 rue Claude Bernard

FORTIN, 1788-1825 Magasin d’exposition place de la Sorbonne

GOLAZ, 1830-1889, 282 rue St Jacques et 24 rue des Fossés St Jacques

GUILLON, 1923-25 TSF     35 rue Lhomond

JARRE-JAQUIN, distributeur et importateur18 rue Pierre Curie

JOUAN, étuves et centrifugeuses ,    Bd St Germain

LEMOUZY,  1922-1934, TSF      121 Bd St Michel

LEQUEUX, 1831-1980, verrerie      19 rue Gay Lussac

LEREBOURG et SECRETAN, 1800-1937,optique 13 Place du Pont Neuf « au coin du Quai de l’Horloge », puis Bd Blanqui

MAMBRET, 1910 téléphonie25 rue de la Montagne Ste Geneviève

MARLOYE, 1851-  acoustique

161 rue St Jacques et 1 rue des Fossés St J.

NACHET, 1839-1992, microscopes,    17 rue St Séverin

PIXII, DUMOTIEZ, 1820-18601820 : première machine magnéto-électrique pour produire électricité          2 rue du Jardinet   

RHUMKORFF puis J. CARPENTIER, 1839-1910Electricité XIX° siècle   Rue des Maçons-Sorbonne devenue rue Champollion

Rue Git-le-Cœur puis rue de la Sorbonne

SALLERON, 1858-1864, chimie, météorologie

1 rue du Pont de Lodi

SOCIETE CENTRALE DE PRODUITS CHIMIQUES, 1890-1990 Balance de Curie-Cheneveau,    44 rue des Ecoles, 

SOLEIL,  DUBOSQ,  PELLIN, 1819-1905 puis JOBIN, qui deviendra JOBIN-YVO rue de l’Odéon et rue Monsieur le Prince

TACUSSEL ET CHARLOT, 1945-1980 Ph-mètre, chimie

Passage Vermenouze et rue de l’Epée de Bois

TOUZART ET MATIGNON, produits chimiques Rue Amyot

VERICK, 1860,microscopes     2 rue de la Parcheminerie

 

Les établissements Soleil-Dubosc-Pellin.

En 1819 François Soleil fonde une entreprise de construction d’ « Instruments d’Optique et de Précision » et vient s’installer dès 1825 rue de l’Odéon à Paris dans le VI° arrondissement. Elle sera vite réputée pour la qualité de la réalisation des instruments conçus par Fresnel, Babinet, Arago, Gambey, Silbermann, Wheatstone. Son fils, puis le gendre de son fils Jules Duboscq poursuivent le développement de l’entreprise, qui produira de belles réalisations instrumentales pour Pasteur, Jamin, Dupré, Foucault, Becquerel, exportées dans tout le monde scientifique de l’époque. Entré dans cette entreprise renommée en 1883, Pellin en prend le contrôle en 1886 et maintient sa tradition de qualité pour nombre d’instruments comme ceux de Féry ; son fils poursuivra la vie de l’entreprise jusqu’en 1941, fusionnant alors avec Deleuil. Tous les grands musées scientifiques présentent aujourd’hui des instruments Soleil-Duboscq-Pellin.

 

Les établissements Charles Beaudouin

installe donc son atelier de « Mécanique de précision, électricité » près de l’ESPCI en 1903. Il est secondé par Henri Gondet qu’il emploie dès sa sortie de l’ESPCI en 1910, puis par Paul Beaudouin en 1932, issu de la 47° promotion de l’ESPCI. Durant plus de soixante années, l’entreprise construira de nombreux instruments de physique pour le laboratoire et l’industrie.

Située rue Lhomond et rue Rataud, l’entreprise emploiera jusqu’à 80 salariés durant la Grande Guerre, et son effectif atteindra 120 employés et ouvriers en 1970, lorsque la famille doit la céder à Alcatel après le décès de Paul Beaudouin qui en assurait la direction depuis 1945 .

 

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Réalisation Espace des Sciences de Paris :

                   Michel Laguës et Denis Beaudouin, 

                   Crédits photo: ESPCI, Chloé Beaudouin