Lundi 7 juin 2010 Ce que l'œil dit au cerveau ? Alan Chauvin Univ. P. Mendès-France |
L’œil est « mal voyant», pratiquement insensible à la couleur, « construit à l'envers », troué et bouge constamment. Notre œil
est ainsi fait, que seule une portion congrue permet de percevoir les
couleurs et les détails de ce qui nous entoure. Cette région,
la fovéa mesure seulement 5 degrés, soit la taille de l’ongle
du pouce à bout de bras. Le reste de la rétine, la rétine
périphérique bien que très sensible aux faibles luminosités
(détection d’une bougie à 10 km) est en partie saturée
par la lumière du soleil, ne transmet qu’une information
floue et peu colorée. Ainsi, si notre perception dépendait
essentiellement de cette rétine périphérique, nous
serions classé comme mal voyant avec une acuité bien inférieure
à 3/10ème. Ce n’est pas tout, le monde rétinien
est instable, en effet nos yeux bougent 3 à 4 fois par secondes
en balayant jusqu'à la moitié du champ visuel a des vitesses
atteignant 1000 degrés/s. La première
question qui nous intéresse est quelle est l’information
transmise par le nerf optique ? Ensuite, nous nous poserons la question
de savoir pourquoi lorsque mon œil bouge je ne perçois pas
de mouvement ? Puis, si je ne vois bien qu’au centre de l’œil,
comment est il possible de savoir quels sont les objets importants d’une
scène sans les avoir vus avant ? Enfin, nous nous intéresserons
à l’utilisation des mesures de mouvements oculaires en psychiatrie.
1. L’œil et la rétine : Quelle est l’information transmise par le nerf optique ? L’œil
est le premier organe dans la chaîne de traitement de l’information
visuelle. La cornée, l’iris et le cristallin correspondent
à l’optique de cette chaîne. La rétine qui tapisse
le fond de l’œil et qui renferment les photorécepteurs
prétraite l’information qui est ensuite véhiculée
via le nerf optique au cortex visuel primaire Figure
1: Densité des photorécepteurs à la surface de la
rétine en fonction de leur position Une conséquence de l’organisation de l’œil, de la rétine et du cortex visuel primaire est une surreprésentation corticale des 10 degrés centraux que représente la fovéa. Ainsi, d’un point de vue comptable, le monde visuel cortical correspond à la projection d’une région congrue du champ visuel, qui mesure moins de 5 degrés de diamètre. Ce qui implique, que pour qu’un objet soit perçu en couleur et dans tous ces détails, nous devons le fixer. Mais avant de le fixer nous devons déplacer nos yeux vers cet objet et donc nous devons effectuer des mouvements oculaires.
Il existe deux principaux types de mouvements oculaires : le mouvement saccadique et le mouvement de poursuite. Le premier est celui que l’on utilise pour explorer une scène et durant lequel nos yeux se fixent successivement sur différentes positions dans la scène (cf. figure 2). Le deuxième est celui que l’on utilise lorsque les yeux suivent un objet en mouvement. Ces deux mouvements ont comme conséquence de placer l’axe optique est donc la fovéa sur l’objet d’intérêt. Nous effectuons 3 à 4 saccades par secondes depuis la naissance, soit 3 942 000 saccades par an et 394 200 000 au cours d’une vie. Pourtant, vous ne surprendrez que rarement votre œil en mouvement et encore moins l’ensemble du monde visuel se déplacer.
Figure
2: (Image de Gauche) Exemple des saccades (traits) et des fixations (points)
d’un observateur
Lorsque nous
regardons une scène, nous l’explorons. C’est à
dire l’œil se déplace sur certaines régions de
l’image, mais pas sur l’ensemble de l’image. Ces régions
particulières sont appelées “régions d’intérêt”.
A quoi correspondent ces zones d’intérêt ?
Ou plutôt qu’est-ce qui définit ces zones d’intérêt
?
Figure
3: Image et carte de saillance obtenue par un modèle d’attention
visuelle. |