Lundi 11 Mai 2009 A la découverte
des arômes : Hubert Richard Agro ParisTech |
L'homme se guide avec son nez pour choisir ses aliments, pour se faire désirer (parfums). Cette conférence animée par un chimiste (arômes) et un sensorialiste (goût). Avec dix expériences, ils feront comprendre l'importance et le rôle des composés aromatiques dans l'élaboration des aliments, des vins ou des parfums.
Les plaisirs de la table ne sont pas un mythe, mais une réalité et, parmi les innombrables molécules provoquant le stimulus de nos organes sensoriels et donc responsables du caractère hédonique de notre alimentation, certaines sont volatiles et perçues par notre épithélium olfactif . L’olfaction se fait de deux manières différentes : soit par voie nasale directe, ce qui caractérise l'odeur, soit par voie rétronasale lorsque l'aliment est placé dans la bouche ce que nous appelons l'arôme. Odeur et arôme font partie de ce que nous désignons en langage courant par le "goût" et que les Anglo-Saxons nomment flaveur. En fait, le goût regroupe l'ensemble des perceptions olfactives, gustatives et trigéminales, le nerf trijumeau renseignant plutôt sur le caractère piquant, astringent, brûlant et rafraîchissant. Soulignons que ce terme de goût devrait être réservé à la gustation et aux saveurs de base qualifiées d’acide, de sucré, de salé, d’amer, d’umami . Les différences de sensibilité entre les individus Pour une substance donnée, chacun de nous possède une sensibilité différente. Ainsi, un individu peut être beaucoup plus sensible qu'un autre à la perception de l'odeur de l'anéthole contenu dans les graines de badiane ou de fenouil et caractéristique de la note anisée. Le contraire pourra s’observer pour le 2—phényl-éthanol caractéristique de l’odeur de rose et présent également dans certains vins d'Alsace comme le gewurztraminer. Nous fonctionnons tous de la même manière, mais ces variations de sensibilité nous rendent différents et uniques. Aussi en matière d’odeurs et d’arômes, la communication devient particulièrement riche mais difficile. Nous devons apprendre à dialoguer pour nous rejoindre sur un vocabulaire commun et pouvoir parler d’odeurs et d’arômes. C'est un long travail qui se fait progressivement à partir d’expériences olfactives communes. Cet apprentissage des odeurs, la société s’en préoccupe peu, et le laisse à l’initiative de la famille et des professionnels. Cette répartition des sensibilités des individus, les uns par rapport aux autres, se fait autour d’une valeur moyenne et se traduit par une courbe gaussienne. Les populations les plus sensibles perçoivent de très petites quantités du composé volatil, elles ont un seuil de détection très bas. Lorsque la concentration du composé volatil augmente dans l’atmosphère gazeuse environnant l’épithélium olfactif, ces populations atteignent un seuil de saturation, alors que d’autres populations ne perçoivent toujours pas l’odeur du composé. On peut relever un facteur de l’ordre de 100 à 1.000 dans les seuils de détection entre ces populations extrêmes. Il existe aussi des cas où la population se partage en deux groupes distincts vis-à-vis de l’odeur d’un composé, l’un perçoit et l’autre ne perçoit pas l’odeur ou finit par percevoir une autre « qualité » d’odeur quand la concentration augmente fortement. On dit que ce deuxième groupe présente une anosmie partielle. L’exemple le plus classique est celui de la perception de l’acide butyrique. Environ 6% des individus reconnaissent cette odeur comme proche de l’odeur de vinaigre, alors que le reste de la population trouve à ce composé un parfum nauséabond rappelant le camembert ou la transpiration des pieds. Imaginez la réaction que peut avoir une personne sensible à la forte odeur des pieds vis-à-vis d'une personne se déchaussant sans vergogne, car elle ne perçoit rien ou une douce odeur de vinaigre. Perception des mélanges Quand nous percevons une substance odorante, une image de la stimulation se forme dans notre cerveau et nous la mémorisons. Maintenant lorsque nous mélangeons deux substances odorantes, nous ne percevrons pas une image qui serait la somme des deux images de chaque produit odorant, mais une nouvelle image. Aussi est-il difficile, voire impossible dans un mélange complexe, de déterminer par olfaction la composition d’un mélange odorant. C’est la raison pour laquelle déceler plus de trois arômes dans un vin relève plus de l’imagination que de la réalité. Cependant, si les substances odorantes se développent progressivement dans le temps, l’épithélium olfactif peut alors percevoir des différences. Dans l’évolution au cours du temps des substances odoriférantes en bouche, on pourra alors parler de notes de « tête » en début de perception, de notes de « corps » en milieu de perception et de notes de « queue » en fin de perception. La « richesse » en matière de perception est liée à l’accumulation de ces différentes perceptions, qui se développent au cours du temps. Il faut bien retenir que complexité chimique et complexité ou qualité de la perception d’un arôme ou d’une odeur n’ont a priori aucun lien. L’espace chimique et l’espace perception ne sont pas équivalents : l’individu perçoit globalement, grâce aux capteurs de son nez, à un moment donné, une image sensorielle dont il peut parler s’il en a déjà une connaissance antérieure. Il peut percevoir des différences ou nuances très fines en nature et en intensité qui peuvent d’ailleurs dépasser les capacités d’un analyseur chimique comme le chromatographe en phase gazeuse par exemple. Perception et plaisir Un nez artificiel (un appareil muni de capteurs) pourrait après apprentissage « reconnaître » des composés aromatiques, mais il ne pourra jamais réagir comme l’homme : réagir affectivement aux odeurs et arômes. Nous ne possédons pourtant aucun codage génétique qui nous permette de dire qu’une molécule a une bonne ou mauvaise odeur. La connotation hédonique, ou affective, d’une odeur ou d’un arôme est pourtant celle qui guide nos actions, dont nos choix alimentaires. Il faut bien comprendre que l’effet de plaisir ou de déplaisir que l’on ressent au cours de la perception (connotation affective) n’est pas dans la molécule : elle est apprise. Le plaisir que nous tirons des aliments est le résultat d’un apprentissage, c’est-à-dire d’expériences antérieures, fruit de notre éducation commencée dès la plus tendre enfance et, sans doute, déjà dans le ventre de notre mère. Les Français par exemple rejettent les plats ou les produits développant de fortes odeurs de rance, alors que certains pays, d’Afrique ou d’Asie notamment, les considèrent comme des mets exquis. Le « goût juste » n’existe pas ou, en tout cas, il peut varier selon les cultures et les apprentissages. Compte tenu de ceci, nous devrions avoir beaucoup de tolérances et de respect pour les pratiques alimentaires qui ne sont pas les nôtres. Une viande bouillie, accompagnée d’une sauce légèrement sucrée et à la menthe, quel délice pour un anglo-saxon ! Nature des composés odorants Après ces quelques notions de physiologie et de comportement face à des stimuli odoriférants, focalisons-nous maintenant sur la nature chimique des arômes et donnons quelques exemples de molécules dont l’odeur est perçue avec un certain consensus par tous. Nous avons
défini l’arôme comme une perception. Ce terme d'arôme
est aussi employé pour désigner l'ensemble des composés
volatils présents dans l'aliment. Les composés d’arôme
sont de nature organique, ils ont une faible masse moléculaire
(inférieure à 250 daltons ) et n'apportent aucune contribution
nutritive à l'aliment dans lequel ils se trouvent. Ils sont apolaires
ou peu polaires et appartiennent à la classe des lipides. Très
solubles dans les graisses et les huiles, ils se dissolvent très
mal dans les milieux aqueux. On y trouve des hydrocarbures, généralement
de nature terpénique , et des composés possédant
un ou plusieurs groupements fonctionnels (alcool, éther-oxyde,
aldéhyde, cétone, ester, amine, amide) et divers hétérocycles
. Ces molécules jouent un rôle essentiel dans les propriétés sensorielles de nos aliments, participant largement, avec toutes leurs nuances, au plaisir de la table. Les arômes bio-synthétisés par les plantes Au cours de leur développement, les plantes (légumes, épices et herbes aromatiques que nous consommons) synthétisent des centaines de molécules d’arôme. Parmi celles-ci, il en est qui ont une odeur très proche de celle de la plante. Une seule molécule d’arôme est pratiquement à l’origine de la note ou qualité perçue. Donnons-en quelques exemples. Carvones
La molécule de carvone possède un carbone asymétrique. Elle existe donc sous deux formes de molécules ayant les mêmes propriétés chimiques et physiques et qui ne diffèrent que par leur pouvoir rotatoire. On les appelle des énantiomères, images l'une de l'autre dans un miroir : la (-)-carvone, lévogyre, et la (+)-carvone, dextrogyre. Fait assez rare parmi les composés volatils énantiomériques, chacune des molécules possède une odeur différente, alors que la composition chimique des deux molécules est strictement la même. La (-)-carvone, constituant majoritaire des essences de menthe crépue, est reconnue par 80% de la population comme caractéristique de la menthe, alors que la (+)-carvone est considérée par tous comme typique du carvi (Carum carvi L.). Oct-1-èn-3-ol
Toutes les espèces de champignons bio-synthétisent l'oct-1-èn-3-ol par dégradation enzymatique oxydative de l'acide linoléique. Ce constituant a une odeur de sous-bois, typique du champignon de Paris. Il possède un carbone asymétrique. L'énantiomère R lévogyre est perçu de la même façon que l’énantiomère S, il est biosynthétisé majoritairement chez tous les champignons (90% dans le cas de la girolle) et se retrouve également dans l'arôme de camembert, sur la croûte en particulier où il est produit par un microorganisme de surface, ou flore de surface . Diacétyle
Le diacétyle possède la note caractéristique de beurre. Non seulement, il est présent dans le beurre, les crèmes fraîches et les produits lactés, mais aussi dans l'arôme de nombreux vins. Notons que dans le beurre comme dans le vin, cette molécule ne fait que participer à la richesse olfactive de ces produits. Eugénol
Le clou de girofle contient de l'ordre de 15% d'arôme, constitué essentiellement d'eugénol (plus de 90% de la fraction odorante). La molécule possède une fonction phénol et par conséquent des propriétés anti-oxydantes. C'est un excellent antiseptique très utilisé par les dentistes. Cinnamaldéhyde
La cannelle est une épice constituée par l'écorce sèche des jeunes pousses de deux espèces d'arbres, le cannelier de Sri-Lanka (Ceylan) et le cannelier de Chine. L'arôme représente 1,6% de l'épice, dont le principal composé volatil est le cinnamaldéhyde, à l'odeur caractéristique de cannelle. Il apporte une note chaude particulièrement appréciée dans les desserts et compotes de pommes. Anthranylate de méthyle
L’eau distillée de fleur d’oranger, très utilisée en pâtisserie et parfumerie, est produite à partir des fleurs fraîches du bigaradier, espèce d'oranger amer. Elle contient de forte proportion d'anthranylate de méthyle responsable de la note typique de fleur d'oranger.
Le safran, l'épice la plus chère au monde, est constitué des stigmates de la fleur d’un crocus (Crocus sativus), plante bulbeuse autrefois très cultivée en France dans le Gâtinais et l’Angoumois. Elle contient moins de 1 % d'huile essentielle dont le principal composé est le safranal qui se développe surtout au cours du séchage des stigmates. Si l'on cherchait à extraire le safranal de l'épice, son coût avoisinerait un million d'euros par kilo, alors que le safranal obtenu par voie de synthèse coûte moins de 50 euros le kilo. On comprend aisément pourquoi cette épice est l'objet de tant de fraudes. Benzaldéhyde
L’odeur d'amande amère est donnée par le benzaldéhyde. C'est lui qui communique au kirsch fantaisie sa note de noyau. On le retrouve dans la colle blanche et dans divers vins. Lactones
Les arômes
développés au cours d'un traitement technologique
Différentes espèces de vanillier sont cultivées pour la production de gousses de vanille. La plus répandue est l'espèce, Vanilla planifolia G. Jackson. Les gousses sont récoltées vertes pour éviter qu'elles ne se fendent. Elles subissent alors un échaudage rapide, suivi d'un étuvage pendant 24 à 48 heures au cours duquel un précurseur amer, la glucovanilline, est transformé en glucose et vanilline par une ?-glucosidase endogène. Les gousses sont ensuite séchées lentement pendant deux à trois mois, pour ramener leur teneur en eau à 24 % et permettre leur conservation. Cette molécule de vanilline est responsable de l'arôme typique de la gousse. Les chimistes ont synthétisé une molécule ayant les mêmes propriétés sensorielles que la vanilline mais quatre fois plus puissante, l'éthyl-vanilline, dont la présence n'a jamais été décelée dans les gousses et qui, pour cette raison, a le statut de produit artificiel. Composés soufrés de l'ail et de l'oignon Toutes les plantes regroupées sous le nom d'alliacées contiennent un précurseur, le S-alkyl-L-(+)-cystéine sulfoxyde qui, lors d'un broyage, se transforme sous l'action d'une enzyme endogène, l'alliinase, en acide sulfénique, fortement lacrymogène dans le cas de l'oignon. Cet acide sous l'action de la chaleur donne naissance à une foule de composés soufrés : thiosulfinates, sulfures, disulfures etc..., responsables des notes grillées ou cuites de l'ail et de l'oignon.
Isothiocyanate d'allyle Les plantes appartenant à la famille des brassicacées (moutarde, raifort, cresson, choux, etc...) contiennent des glucosinolates qui, sous l'action d'une enzyme endogène, la myrosinase, sont transformés en isothiocyanates. Pour la préparation de la moutarde, les graines de l'espèce noire, Brassica nigra, et celles de l'espèces blanche, Sinapis alba, sont broyées et mélangées à du vin blanc ou du vinaigre et laissées macérer. Ce traitement permet la libération de l'isothiocyanate d'allyle qui, lorsque ses teneurs sont élevées (moutardes fortes), provoque des picotements, voire même, chez certains sujets sensibles, des suffocations. Les arômes issus de réactions thermiques Ces arômes
se forment à la suite de réactions de dégradation
thermique, lors de la cuisson des aliments, en particulier : Quelques hétérocycles : maltol, éthylmaltol et furanéol Les réactions de caramélisation et les réactions de Maillard ont une importance considérable en cuisine et dans l'industrie alimentaire, car elles sont responsables de la formation de pigments bruns, de modifications de l'arôme et de la saveur des aliments. Elles sont recherchées dans les viandes rôties, la croûte du pain, le chocolat, les "corn flakes", la bière... Elles sont aussi quelquefois indésirables quand, suite à un traitement thermique, elles modifient l’arôme et quelques saveurs des produits (par exemple l’amertume et le goût sucré). Il en est ainsi de certains laits stérilisés trop chauffés, des jus de fruits stérilisés ou des aliments déshydratés. Le développement d'arômes de Maillard dépend de nombreux facteurs qu'il est nécessaire de bien maîtriser : la composition du milieu (protéines, glucides et lipides), le barème de température, la teneur en eau du milieu, la durée du traitement thermique, le pH et l’état d'oxydation du milieu,. Mentionnons
trois composés aux notes prononcées de caramel :
1,2-dithiole Un traitement thermique peut aussi donner naissance à des arômes, à partir de précurseurs contenus dans la plante, par des réactions différentes de la caramélisation ou des réactions de Maillard. Tel est le cas de la cuisson des asperges qui produit un composé hétérocyclique, le 1,2-dithiole.
Ce produit rapidement assimilé par l'organisme est vite excrété dans les urines, son odeur trahit le consommateur d'asperges.
Tous les composés d’arômes ne sont pas perçus comme agréables par le consommateur, quoique cela relève davantage d’une question d’éducation et de culture. Tel est le cas du 2,4,6-trichloro-anisole dont la présence, signe de bouchons défectueux, communique aux vins de fort désagréables odeur et arôme de liège.
D’autres molécules peuvent même présenter une certaine toxicité à faible concentration. Ce sont, en général des substances tout à fait naturelles que l’on rencontre dans quelques épices et herbes aromatiques. Tels sont les cas de la myristicine en quantité non négligeable dans la noix de muscade et le macis, et des thujones présentes dans la sauge et les armoises. Signalons enfin que certains composés volatils, présents à des doses extrêmement faibles et caractéristiques d’une oxydation prononcée, peuvent rendre l’aliment inconsommable, EXTRACTION DES PLANTES A travers ces quelques exemples, nous avons abordé la nature chimique des molécules d’arôme. Nous avons vu qu’elles étaient produites par des plantes par biosynthèse ou qu’elles résultaient de traitements technologiques et thermiques. Une question reste posée, celle de la récupération de ces arômes. Les industries alimentaires utilisent de plus en plus, des extraits et des préparations aromatiques élaborées. Ce choix est dicté par des considérations organoleptiques et microbiologiques, par une plus grande facilité d'automatisation des chaînes de production et par une meilleure homogénéisation à l'intérieur du produit alimentaire. Les extraits naturels bruts Actuellement, les extraits naturels bruts sont en général fabriqués principalement à partir de végétaux (épices, herbes aromatiques, légumes…) sur les lieux de culture. Selon l'origine des plantes (espèce, variété), l'écologie du milieu et le soin apporté par les pays producteurs (modes de récolte, de collecte, de préparation, de séchage, de stockage, de conditionnement), ces extraits présentent des variations importantes de composition entraînant des différences de qualité et de prix. Que trouve-t-on sur le marché des extraits ? Des huiles essentielles Ces produits sont extraits d’une plante soit par entraînement à la vapeur d'eau, soit par expression. Cette dernière technique est utilisée dans la fabrication des essences d'agrumes dont l’écorce contient d’importantes quantités d'huiles essentielles stockées à l'intérieur de sacs oléifères. Le principe de l'extraction par expression, consiste à rompre ces poches à huiles essentielles par un moyen mécanique : pression, incision ou abrasion à froid. L'huile essentielle entraînée par un courant d'eau est ensuite séparée par décantation ou centrifugation. En général, seules certaines parties de la plante sont extraites : racines, rhizomes, bois, écorces, feuilles, fleurs, boutons floraux, fruits, graines, jus de fruit, ou excrétions de la plante (gommes ou exsudats). Pour qu'il soit intéressant d'extraire l'huile essentielle d'une plante par entraînement à la vapeur d'eau, il faut que cette huile soit en quantité non négligeable, généralement supérieure à 0,5%, dans la plante fraîche ou séchée. A titre d’exemples, voici quelques concentrations en huiles essentielles (exprimées en volume d’huile essentielle par rapport à 100 g de l’épice en l’état) : clou de girofle (15 à 20 %), macis (10 à 13 %), muscade (8 à 9 %), cardamome (4 à 10 %), cumin (2 à 5 %), poivre (1 à 2,5 %). Des oléorésines : concrètes et résinoïdes. Les extraits obtenus à l'aide de solvants organiques volatils (éther de pétrole, hexane, éther éthylique, alcool éthylique, acétone, dioxyde de carbone, chlorure de méthylène...) sont plus complexes que les huiles essentielles, car ils contiennent non seulement les composés volatils mais aussi d'autres constituants non entraînables par la vapeur d'eau (triglycérides, cires, colorants de nature lipidique et composés sapides). Notons que le solvant, non comestible et pouvant présenter dans certains cas une toxicité, doit être éliminé totalement. La plupart des solvants utilisés font d’ailleurs l'objet d'une réglementation stricte dictée par des considérations de santé. Au cours de l’élimination du solvant par distillation sous pression réduite, on s’attache également à limiter la perte des molécules les plus volatiles. Par cette méthode
d'extraction, deux types de produits sont fabriqués : Les rendements obtenus par cette technique varient selon la matière première et le type de solvant utilisé : gousse de vanille avec l'éthanol (30 à 47% du poids frais de la gousse), poivre avec le chlorure de méthylène (5 à 15%), gingembre avec l'acétone (3,9 à 10,3%) et avec l'éthanol (3,1 à 6,9%). Les autres types d'extraits A des degrés moindres, d'autres techniques sont également utilisées pour la préparation d'extraits. Citons, sans en donner une définition : la macération à froid, la digestion à chaud, la percolation à froid ou sous pression, l’infusion à chaud ou à froid. Dans le cas des fruits, on fabrique également des concentrés de jus utilisés comme matière première aromatique. Les extraits naturels affinés A partir des
extraits bruts, il est possible de réaliser des fractionnements.
Selon les techniques employées (cryoconcentration, distillation
sous pression réduite, ultrafiltration, osmose inverse, etc...),
on obtiendra divers produits : FORMULATION ET PREPARATION DE COMPOSITIONS AROMATIQUES Pour terminer
ce tour d'horizon sur les arômes, abordons le travail d'élaboration
d'un arôme par l'industrie. Comme le parfumeur, l’aromaticien
construit un arôme à partir de toute la palette des extraits
aromatiques naturels et/ou des molécules de synthèse. Cependant,
une grande différence existe entre le métier d'aromaticien
et celui de parfumeur. En effet, lorsque ce dernier, que l'on nomme un
"nez", crée un nouveau parfum, il fabrique un produit
fini, directement utilisable par le consommateur. Le challenge de l'aromaticien
est bien différent : l'arôme qu'il vient de créer
sera, par la suite, incorporé dans un produit alimentaire afin
de lui communiquer des qualités organoleptiques recherchées
par le consommateur. L’aromaticien connaît bien les caractéristiques
organoleptiques des matières premières aromatiques dont
il dispose (notes qu’il classe en termes de perception : vertes,
boisées, fruitées, etc...). S’il est en mesure de
créer une formule équilibrée, originale à
partir de ces matières premières naturelles et de produits
de synthèse, ce n'est pas pour autant que la formulation qu’il
a conçue, qui peut être parfaitement agréable et réussie
sur le plan olfactif, résistera au traitement technologique de
fabrication du produit alimentaire. Connaître les réactions
des arômes au cours des procédés de fabrication de
l’aliment, définir le dosage adéquat de la préparation
aromatique dans le produit, déterminer le support idéal
de l’arôme (huile ou matière grasse, gomme, sucre,
amidon etc...) pour faciliter sa dispersion et trouver le moment le plus
judicieux pour l’incorporer dans la chaîne de fabrication
sont autant d'éléments indispensables au succès de
l'aromatisation. Pour répondre à ces questions, la plupart
des grandes firmes de l'industrie aromatique disposent d'ateliers-pilotes
capables de fabriquer n'importe quelle sorte de produit alimentaire. Le
résultat final se teste au nez. Nous avons donné des exemples de molécules issues du monde végétal ou générées par des traitements thermiques. Il ne faudrait pas en déduire que le monde merveilleux des molécules d’arôme se réduit à cet aspect des choses et oublier l’importance de la production aromatique de la biotechnologie. Les plus anciennes technologies ont utilisé des microorganismes pour paradoxalement conserver les produits tout en leur apportant des arômes d'une richesse et d'une "complexité " incomparable. Mais ceci est encore une nouvelle histoire passionnante à raconter. En guise de conclusion, regardons sans appréhension ni préjugés toutes ces molécules odorantes qui peuplent notre environnement et égayent notre vie. Apprenons à les reconnaître pour nous laisser enivrer, rêver et mieux profiter des joies et plaisirs que nous procure ce monde merveilleux des arômes. Retrouvez ces images sur le site de l'Institut Français de la Vigne et du Vin Sud-Ouest. REFERENCES DE QUELQUES OUVRAGES HOLLEY A., 1999. L’éloge de l’odorat. Editions Odile Jacob, Paris, 273 p. LENOIR J., 1998. Le nez du vin. Editions Jean LENOIR, Carnoux-en-Provence (France), Livre-coffret comprenant 54 flacons de composés d'arômes, 54 fiches correspondantes et un document de 30 p. RICHARD H., 1992. Epices et aromates. Lavoisier, Paris, 339 p. RICHARD H., LENOIR J., 1987. Le nez des Herbes et des Epices. Editions Jean LENOIR, Carnoux-en-Provence (France), Livre-coffret comprenant 54 flacons de composés d'arômes, 54 fiches correspondantes et un document de 75 p. RICHARD H., MULTON J.L., 1992. Les arômes alimentaires. Lavoisier, Paris, 438 p. SÜSKIN P., 1986. Le Parfum. Histoire d’un meurtrier. Traduction française, Fayard, Paris, 359 p. VIDEO de la conférence |