Lundi 17 Novembre 2008

En verre et contre tout…
le verre nous protège

François Creuzet
Emmanuel Valentin

Société Saint Gobain

 

Vitre ou carreau, ces mots ont disparu de notre vocabulaire – le vitrage en apparence si simple est maintenant fonctionnel, pour notre confort et notre sécurité. Et il tend à devenir « actif » pour répondre encore mieux à nos exigences.


Dans ses utilisations les plus courantes que sont le bâtiment et le transport, le verre plat connait depuis quelques années une évolution technologique continue. Les vitrages sont de plus en plus complexes et doivent associer apport de lumière avec des fonctions aussi diverses que la sécurité, l’isolation (thermique et acoustique) ou le contrôle solaire. Alors, les vitrages innovants nous protègent ils efficacement ?

La fonction de sécurité proprement dite est basée sur l’amélioration de la résistance mécanique aux contraintes en traction notamment par trempe thermique, chimique et feuilletage.

Le matériau verre résiste très bien aux contraintes de compression mais présente une rupture fragile lorsqu’il est mis en traction à des niveaux de contrainte relativement faibles. En induisant des contraintes en compression à la surface du verre (Fig. 1), il est possible de s’opposer notablement aux efforts en traction et de réduire le seuil de fracture. C’est le principe des trempes thermique et chimique. Par exemple, en chauffant le verre à une température proche du point de ramollissement (typiquement 600-700°C selon les verres) puis en le refroidissant rapidement, la résistance à la casse est augmentée d’un facteur 5 : c’est la trempe thermique.


Utilisé couramment pour les vitres latérales automobiles, le verre thermiquement trempé est également indispensable dans les façades des bâtiments ou la température d'un vitrage peut s'élever considérablement de façon non uniforme. Un gradient de l’ordre de 30°C peut induire des tensions internes et provoquer une casse thermique sur un verre standard alors qu’un vitrage trempé résiste à des variations de température de l’ordre de 200°C.

La trempe chimique induit le même effet que la trempe thermique par échange surfacique d’ions sodium par des ions potassium d’encombrement stérique plus important. Ce procédé plus couteux que la trempe thermique est réservé à des applications spécifiques (militaire, aéronautique) et permet d’atteindre des valeurs de contrainte en compression plus importantes sur des épaisseurs supérieures.

Comme son nom l’indique, le verre feuilleté est formé de plusieurs feuilles de verre entre lesquelles sont placés un ou des films intercalaires de sécurité en PVB (butyral de polyvinyle) ou en EVA (Ethyle-Vinyle-Acétate). En cas de choc provoquant la casse, l’âme plastique constitue une armature déformable qui retient les éclats. Selon le nombre de feuilles et leur épaisseur, on obtient des produits à l’effraction ou aux projectiles d’armes à feu (Fig. 2). Les verres feuilletés sont systématiquement utilisés pour les pare-brises automobiles. Les pare-brises aéronautiques ou ferroviaires utilisent également cette technique avec des contraintes supérieures (par exemple, pour les trains à grande vitesse, le vitrage ne doit pas être traversé par un parpaing de 20 kg lancé à 300 km/h).


En plus de la protection mécanique, certains intercalaires PVB autorisent une protection acoustique. Il est ainsi possible d’abaisser le niveau acoustique de 2 à 4 dB supplémentaires par rapport à un verre monolithique de même épaisseur.

L’une des fonctions premières du vitrage est sa transparence qu’il faut conserver dans toutes les situations. La perte de transparence par formation de buée ou de givre peut avoir des conséquences dramatiques dans les applications telles que l’aéronautique. Les couches minces transparentes conductrices permettent d’apporter une puissance de chauffage électrique de quelques centaines de Watt/m² suffisante pour retrouver une vision optimale dans des conditions d’humidité et de température défavorables.

Les vitrages doivent aussi apporter une réponse à la gestion énergétique des bâtiments. On caractérise l’isolation thermique d’un vitrage par son facteur U exprimé en W/m²K. Pour un vitrage simple l’échange thermique entre l’intérieur et l’extérieur dépend principalement de la conductivité thermique du verre ; U est de l’ordre de 5.8 W/m²K. La lame d’air d’un double vitrage limite l’échange par conductivité thermique et divise U d’un facteur 2 ; une grande partie de l’échange thermique est due au rayonnement infrarouge entre les deux verres. La limitation de ces pertes thermiques IR est obtenue par l’ajout de couches minces à la surface du verre. Des empilements d’épaisseur nanométrique contenant des couches d’argent (Fig. 3) peuvent réfléchir la partie infrarouge du spectre tout en maintenant une bonne transmission lumineuse. Les vitrages dits d’isolation thermique renforcée, réfléchissent les IR lointains vers l’intérieur du bâtiment et abaissent U à 1 W/m²K.


Figure 3: empilement de contrôle solaire sur verre.

Selon les zones géographiques ou le type de bâtiment, il peut être nécessaire de limiter l’apport solaire (domaine des IR proches du visible). Les vitrages de contrôle solaire sont constitués d’empilement à plusieurs couches d’Ag qui réfléchissent sélectivement les proche IR pour limiter l’échauffement par le soleil.

La valeur de U d’un mur isolé est de l’ordre de 0.5 W/m²K. La tendance actuelle consiste à s’orienter vers des triples vitrages avec couches minces permettant effectivement d’atteindre ce type de valeur tout en restant transparent.

On peut cependant aller plus loin en utilisant les couches minces ‘actives’. En effet, certaines couches minces déposées à la surface du verre peuvent réagir à des sollicitations diverses (champ ou courant électrique), permettant une adaptation à la demande des propriétés du vitrage ; on parle alors de ‘vitrage intelligent’.
Par exemple, l'oxyde de tungstène WO3 est capable d'insérer réversiblement des ions M+ (= H+, Li+, Na+) et des électrons suivant la réaction :

Le matériau est transparent lorsqu'il est sous la forme WO3 tandis qu'il est coloré en bleu lorsqu'il est sous la forme insérée MxWO3. Cette propriété remarquable est à l’origine des vitrages électrochromes où l’utilisateur peut choisir les niveaux de transmission lumineuse et énergétique en appliquant une tension électrique.

On peut ainsi imaginer avoir en été ou par temps très lumineux un vitrage coloré afin de limiter l’éblouissement et l’échauffement ; inversement, en hiver ou par temps couvert, le vitrage reste décoloré pour profiter des apports du soleil (Fig. 4).


Figure 4 : Vitrages électrochromes

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