Vitre
ou carreau, ces mots ont disparu de notre vocabulaire – le vitrage
en apparence si simple est maintenant fonctionnel, pour notre confort
et notre sécurité. Et il tend à devenir « actif
» pour répondre encore mieux à nos exigences.
Dans ses utilisations les plus
courantes que sont le bâtiment et le transport, le verre plat connait
depuis quelques années une évolution technologique continue.
Les vitrages sont de plus en plus complexes et doivent associer apport
de lumière avec des fonctions aussi diverses que la sécurité,
l’isolation (thermique et acoustique) ou le contrôle solaire.
Alors, les vitrages innovants nous protègent ils efficacement ?
La fonction de sécurité proprement dite est basée
sur l’amélioration de la résistance mécanique
aux contraintes en traction notamment par trempe thermique, chimique et
feuilletage.
Le matériau verre résiste très bien aux contraintes
de compression mais présente une rupture fragile lorsqu’il
est mis en traction à des niveaux de contrainte relativement faibles.
En induisant des contraintes en compression à la surface du verre
(Fig. 1), il est possible de s’opposer notablement aux efforts en
traction et de réduire le seuil de fracture. C’est le principe
des trempes thermique et chimique. Par exemple, en chauffant le verre
à une température proche du point de ramollissement (typiquement
600-700°C selon les verres) puis en le refroidissant rapidement, la
résistance à la casse est augmentée d’un facteur
5 : c’est la trempe thermique.
Utilisé couramment pour les vitres latérales automobiles,
le verre thermiquement trempé est également
indispensable dans les façades des bâtiments ou la température
d'un vitrage peut s'élever considérablement de façon
non uniforme. Un gradient de l’ordre de 30°C peut induire des
tensions internes et provoquer une casse thermique sur un verre standard
alors qu’un vitrage trempé résiste à des variations
de température de l’ordre de 200°C.
La trempe chimique induit le même effet que la trempe thermique
par échange surfacique d’ions sodium par des ions potassium
d’encombrement stérique plus important. Ce procédé
plus couteux que la trempe thermique est réservé à
des applications spécifiques (militaire, aéronautique) et
permet d’atteindre des valeurs de contrainte en compression plus
importantes sur des épaisseurs supérieures.
Comme son nom l’indique, le verre feuilleté
est formé de plusieurs feuilles de verre entre lesquelles sont
placés un ou des films intercalaires de sécurité
en PVB (butyral de polyvinyle) ou en EVA (Ethyle-Vinyle-Acétate).
En cas de choc provoquant la casse, l’âme plastique constitue
une armature déformable qui retient les éclats. Selon le
nombre de feuilles et leur épaisseur, on obtient des produits à
l’effraction ou aux projectiles d’armes à feu (Fig.
2). Les verres feuilletés sont systématiquement utilisés
pour les pare-brises automobiles. Les pare-brises aéronautiques
ou ferroviaires utilisent également cette technique avec des contraintes
supérieures (par exemple, pour les trains à grande vitesse,
le vitrage ne doit pas être traversé par un parpaing de 20
kg lancé à 300 km/h).
En plus de la protection mécanique, certains intercalaires PVB
autorisent une protection acoustique. Il est ainsi possible d’abaisser
le niveau acoustique de 2 à 4 dB supplémentaires par rapport
à un verre monolithique de même épaisseur.
L’une des fonctions premières du vitrage est sa transparence
qu’il faut conserver dans toutes les situations. La perte de transparence
par formation de buée ou de givre peut avoir des conséquences
dramatiques dans les applications telles que l’aéronautique.
Les couches minces transparentes conductrices permettent d’apporter
une puissance de chauffage électrique de quelques centaines de
Watt/m² suffisante pour retrouver une vision optimale dans des conditions
d’humidité et de température défavorables.
Les vitrages doivent aussi apporter une réponse à la gestion
énergétique des bâtiments. On caractérise l’isolation
thermique d’un vitrage par son facteur U exprimé
en W/m²K. Pour un vitrage simple l’échange thermique
entre l’intérieur et l’extérieur dépend
principalement de la conductivité thermique du verre ; U est de
l’ordre de 5.8 W/m²K. La lame d’air d’un double
vitrage limite l’échange par conductivité thermique
et divise U d’un facteur 2 ; une grande partie de l’échange
thermique est due au rayonnement infrarouge entre les deux verres. La
limitation de ces pertes thermiques IR est obtenue par l’ajout de
couches minces à la surface du verre. Des empilements d’épaisseur
nanométrique contenant des couches d’argent (Fig. 3) peuvent
réfléchir la partie infrarouge du spectre tout en maintenant
une bonne transmission lumineuse. Les vitrages dits d’isolation
thermique renforcée, réfléchissent les IR lointains
vers l’intérieur du bâtiment et abaissent U à
1 W/m²K.
Figure 3: empilement de contrôle
solaire sur verre.
Selon les zones géographiques ou le type de bâtiment, il
peut être nécessaire de limiter l’apport solaire (domaine
des IR proches du visible). Les vitrages de contrôle solaire sont
constitués d’empilement à plusieurs couches d’Ag
qui réfléchissent sélectivement les proche IR pour
limiter l’échauffement par le soleil.
La valeur de U d’un mur isolé est de l’ordre de 0.5
W/m²K. La tendance actuelle consiste à s’orienter vers
des triples vitrages avec couches minces permettant effectivement d’atteindre
ce type de valeur tout en restant transparent.
On peut cependant
aller plus loin en utilisant les couches minces ‘actives’.
En effet, certaines couches minces déposées à la
surface du verre peuvent réagir à des sollicitations diverses
(champ ou courant électrique), permettant une adaptation à
la demande des propriétés du vitrage ; on parle alors de
‘vitrage intelligent’. Par exemple, l'oxyde
de tungstène WO3 est capable d'insérer réversiblement
des ions M+ (= H+, Li+, Na+)
et des électrons suivant la réaction :
Le matériau est transparent lorsqu'il est sous la forme WO3 tandis
qu'il est coloré en bleu lorsqu'il est sous la forme insérée
MxWO3. Cette propriété remarquable est à l’origine
des vitrages électrochromes où l’utilisateur
peut choisir les niveaux de transmission lumineuse et énergétique
en appliquant une tension électrique.
On peut ainsi imaginer avoir
en été ou par temps très lumineux un vitrage coloré
afin de limiter l’éblouissement et l’échauffement
; inversement, en hiver ou par temps couvert, le vitrage reste décoloré
pour profiter des apports du soleil (Fig. 4).
Figure 4 : Vitrages électrochromes
VIDEO de la conférence
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