Lundi 23 Avril 2007

Les nœuds, du voilier au noyau de la cellule

Giovanni Dietler
Mélanie Favre

Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne

 

L es nœuds sont des « objets » qui souvent nous dérangent parce qu’ils se forment sur les fils de tout type. On les voit plutôt comme un mal nécessaire à la vie de tous les jours, mais on oublie qu’ils sont en effet plus utiles qu’embêtants. Des exemples assez parlants sont les tricots qui, grâce aux nœuds, ont des propriétés élastiques intéressantes, ou bien les lacets des chaussures ainsi que le nœud de la cravate.

Le fait que les nœuds sont fait avec des supports (ficelle, câble métallique, brin d’ADN) qui ne permettent pas que deux brins se traversent, donne lieu à une des propriétés les plus importantes des noeuds, c’est à dire qu’une fois que le nœud est formé on peut seulement le défaire en faisant passer un des bouts libre à travers le nœud ou bien, si le nœuds est fermé, en coupant la ficelle. A ce sujet, il y la légende du noeud gordien qu’Alexandre le Grand n’ouvrit pas avec l’intelligence mais par la ruse. En effet, il coupa la corde du nœud.
(http://www.kzu.ch/fach/as/gallerie/lect/helden/12.htm).


En mathématique, le domaine qui s’occupe d’étudier les propriétés et les transformations des courbes ou des surfaces qui ne peuvent pas être coupées ou déchirées s’appelle la topologie. Deux objets mathématiques qui peuvent être transformés l’un vers l’autre en les déformant sont appelés topologiquement équivalents. Ainsi un disque plein et un bol sont topologiquement équivalents. La topologie et la théorie des nœuds sont deux domaines des mathématiques qui se sont très fortement développés et ramifiés vers l’algèbre et la géométrie.

Mais à l’origine de l’intérêt scientifique pour les nœuds, nous trouvons trois physiciens, Lord Kelvin (Thomson), J.C. Maxwell et P.G. Tait. Les deux premiers avaient développé une théorie de la structure de la matière qui postulait que les atomes étaient en effet des nœuds de complexité croissante. La table des nœuds ci-contre était considérée comme le tableau périodique des éléments, chaque nœud représentant un type d’atome. P.G. Tait se chargea de classifier les nœuds par le nombre minimal de croisements nécessaires pour représenter un nœud avec une projection bidimensionnelle. Ainsi le nœud de trèfle, que nous utilisons le plus souvent, est nommé 31 car il faut 3 croisements pour le dessiner sur un plan.

En biologie nous trouvons aussi des nœuds. Le noyau de la cellule contient, dans le cas des humains, 2 mètres d’ADN dans un volume de quelque micromètres cubes, ce qui force la cellule à organiser l’ADN en chromosomes. Elle utilise une batterie d’enzymes appelées topoisomérases pour contrôler, modifier la topologie de l’ADN. Les topoisomérases I et II sont les enzymes (parmi d’autres) qui peuvent changer la topologie, par exemple elles peuvent dénouer des brins d’ADN noués. L’intérêt de la biologie est de comprendre le fonctionnement de ces enzymes et de comprendre comment la topologie et la structure de l’ADN sont contrôlés par les enzymes.

Les nœuds sont aussi d’importance pratique. Depuis le début de la civilisation les nœuds ont été utilisés dans beaucoup d’activités humaines. Les nœuds étaient la technologie de pointe qui permettait, en absence de matériaux aux performances poussées comme nous les connaissons aujourd’hui, la construction des navires, de manœuvrer les voiles, d’atteler les bœufs au char, de tisser des habits, etc.

La conférence abordera d’abord quelques idées fondamentales sur les nœuds. Ensuite les propriétés physiques, comme résistance à la traction d’un nœud et la sécurité d’un nœud, seront présentées par des exemples. Puis les propriétés mathématique seront illustrées. On discutera les implications en biologie de la présence des nœuds sur l’ADN et l’action des enzymes qui changent la topologie de l’ADN.


Résistance à la traction d'un noeud simple

Programme 2007