Lundi 19 Mars 2007

Des nano-aimants au cœur du vivant

Claire Wilhelm
Florence Gazeau

Université Paris VII

 

Les nanosciences sont en passe de révolutionner la médecine de demain. La taille des nano-objets, à l’échelle du milliardième de mètre, leur permet de s’insérer au plus profond du vivant, au cœur même des cellules qui constituent notre organisme. Une nouvelle discipline aux confins de la biologie, de la physique et de la chimie, la "nanomédecine", exploite les propriétés spécifiques à leur taille pour manipuler le vivant.
Parmi les nanotechnologies développées dans le domaine biomédical, les aimants de taille nanométrique sont doués de propriétés physiques inédites et pourraient devenir les éléments d’un mini-laboratoire à l’intérieur du corps humain. Capables de véhiculer des médicaments jusqu’à leur cible, de chauffer des tumeurs pour les détruire ou encore de signaler et traquer certaines cellules, ces nano-aimants se révèlent des outils diagnostiques et thérapeutiques multifonctions.

Comment introduire ces aimants dans la cellule ? En exploitant les capacités des cellules à ingérer certains objets de taille bien inférieure à la leur. Les nanoparticules d’oxyde de fer que nous utilisons ont la propriété de se coller, grâce à leur charge, sur la membrane des cellules, qui réagissent en les internalisant dans des organites, rendues ainsi magnétiques. On crée alors à l’intérieur même de la cellule des nano-robots capables de réagir à des champs magnétiques extérieurs.



Des nano-robots pour explorer la machinerie intracellulaire

Ces nano-robots, faits d’une multitude de nano-aimants entourés d’une membrane biologique, s’attirent dans la cellule à l’instar de deux aimants et forment des chaînes. En modifiant la direction du champ magnétique, on peut faire tourner ces chaînes, créant de la sorte un véritable micro-mixeur dans le cœur cellulaire. La réponse de la cellule à cette sollicitation interne donne des informations sur ses propriétés mécaniques (milieu mou/dur – élastique/visqueux …) et sur sa capacité à réagir à des contraintes mécaniques. Dans ce cas, les nano-robots servent d’espions pour mieux explorer la machinerie intracellulaire.


Des nano-foyers pour griller les cellules cancéreuses

Ces nano-robots peuvent-ils également endommager les cellules qui les contiennent ? Lorsque le champ magnétique appliqué varie très rapidement dans le temps, les nano-aimants dégagent de la chaleur. Un petit amas cellulaire peut ainsi être chauffé à des températures toxiques pour les cellules, si ces dernières contiennent suffisamment de nanoparticules magnétiques. Sur ce principe, un nouveau traitement contre les tumeurs cancéreuses, qui présente l’avantage d’être limité aux seules cellules malignes, est actuellement testé chez l’homme.

Des nano-traceurs pour traquer les cellules

Ces nano-aimants insérés dans la cellule peuvent également servir de traceurs pour signaler un certain type de cellules dans l’organisme, comme par exemple des cellules immunitaires ou des cellules souches. En effet, un marquage magnétique rend visible ces cellules à l’intérieur du corps par la technique d’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM). Cela permet de suivre, de manière non traumatique, le devenir des cellules qu’on a injectées dans l’organisme, lors d’une greffe ou d’un essai de thérapie cellulaire. Grâce aux nano-aimants utilisés comme traceurs, l’IRM apparaît de plus en plus comme un outil indispensable tant au diagnostic qu’à l’évaluation des thérapies anticancéreuses ou de la médecine régénérative.

Des nano-aimants pour détourner les cellules du droit chemin

Nous avons tous fait l’expérience de l’attraction d’un aimant par un autre. Il est tentant, avec des cellules magnétiques, d’essayer de contrôler leur mouvement et les détourner de leur chemin naturel en les soumettant à une force créée à distance par un aimant. Du point de vue médical, il serait très intéressant de pouvoir forcer des cellules d’intérêt thérapeutique à migrer vers un site cible ou simplement à rester dans l’organe qu’elles doivent régénérer, malgré un flux sanguin par exemple. Ainsi, des cellules magnétiques, en migration sur une surface, sont massivement détournées vers une pointe magnétique, tandis que d’autres, en circulation dans un micro-canal sont déviées de la direction du flux lorsqu’un gradient de champ magnétique est appliqué.



Des nanovecteurs pour transporter un médicament au plus près de sa cible

Un enjeu majeur des nanotechnologies est d’élaborer des vecteurs à l’échelle nanométrique capables de protéger, transporter et délivrer un médicament au plus près de sa cible. L’objectif est de limiter les effets secondaires, tout en améliorant l’efficacité du médicament en le concentrant sur sa cible. De nombreux systèmes transporteurs sont actuellement testés, mais leur association à des nanoparticules magnétiques apporte des fonctionnalités supplémentaires : ces vecteurs magnétiques, à l’instar de cellules, sont sensibles à une force magnétique et peuvent être attirés par des aimants externes ou internes vers un site cible, comme par exemple une tumeur ou être bloqués dans la circulation cérébrale. De plus, leur localisation peut être contrôlée par IRM. Enfin, ils peuvent également être chauffés via les nano-aimants qu’ils contiennent, ce qui permet de contrôler l’ouverture du vecteur et le relargage du médicament.


Les nanoparticules magnétiques ouvrent donc des possibilités nouvelles au cœur du vivant. Leurs fonctionnalités multiples sont exploitables pour de nouveaux traitements, dont certains ont déjà vu le jour et d’autres restent à inventer.

Programme 2007