Des milliards de molécules
sont présentent dans notre environnement quotidien. Certaines résultent
de l’activité humaine, d’autres sont produites de manière
naturelle. Si la plupart sont en très faibles teneurs et non toxiques,
certaines imposent un suivi en raison de leur effet à plus ou moins
long terme sur notre santé.
L’analyse de ces molécules relève souvent de la recherche
du trèfle à quatre feuilles : on recherche une molécule
ou un groupe de molécules à de très faibles niveaux
de concentration dans un échantillon composé de nombreuses
autres espèces chimiques souvent en concentration bien plus importante.
La multitude de molécules contenue dans un échantillon impose
de disposer d’outils permettant de trier ces molécules afin
de les séparer et ainsi de les identifier individuellement. Pour
ce faire, on utilise la technique dite de chromatographie. Celle-ci repose
sur l’utilisation d’une colonne (tube métallique) contenant
un support solide (appelé phase stationnaire) capable de générer
des interactions chimiques avec les composés d’intérêt
pour les retenir et d’un solvant (appelé phase mobile) entraînant
les composés à travers la colonne (Figure 1). Les composés,
injectés en mélange sur le support, se déplaçant
plus ou moins vite en fonction des forces d’interaction qu’ils
sont capables de créer avec le support, sortent de la colonne les
uns après les autres et donc séparément. L’introduction
dans le dispositif d’un détecteur en sortie de colonne permet
alors d’identifier et de quantifier individuellement les composés
grâce à l’exploitation des signaux obtenus.
Figure 1 : Principe d’une
séparation chromatographique : (1) injection du mélange,
(2) migration des composés dans la colonne, (3) élution
des composés un à un. Obtention d’un chromatogramme
reflétant la sortie des composés de la colonne à
des temps d’élution différents.
Si ces techniques ont connu une évolution importante ces dernières
années à travers la synthèse de phases stationnaires
de plus en plus performantes et le développement de détecteurs
de plus en plus sensibles et spécifiques, la complexité
des échantillons et les faibles teneurs recherchées impliquent
de recourir à une étape préalable de concentration
notamment pour le suivi de pollution dans les eaux.
Cependant les techniques de concentration qui mettent souvent en jeu des
solvants organiques ou des phases stationnaires proches de celles utilisées
en chromatographie concentrent souvent un grand nombre de molécules
constituants l’échantillon rendant difficile le recherche
du ou des composé(s) d’intérêt pour le(s)quel(s)
le signal du détecteur apparaît masqué par de nombreux
autres signaux émanant de la présence de ces autres composés.
Pour obtenir des signaux plus facilement exploitables, il apparaît
important d’introduire de la sélectivité dans la procédure
analytique. Une des possibilités peut consister à exploiter
une des interactions les plus sélectives: l’interaction antigène-anticorps
(Figure 2).
Figure 2 : molécule
(en vert) piégée par l’extrémité de
la chaine lourde (en rouge) et de la chaine légère (en bleu)
qui compose un des deux sites de reconnaissance antigènique d’un
anticorps (IgG).
En effet, il est possible de
produire des anticorps spécifique d’une molécule ou
d’une famille structurale et d’utiliser ces anticorps alors
immobilisés sur un support solide comme phase stationnaire sélective
: seules les molécules reconnues par les anticorps seront retenus
sur le support lors de la mise en contact avec l’échantillon
permettant ainsi l’élimination d’autres substances.
Une approche similaire consiste à créer par voie chimique
un support possédant des cavités dont la forme correspond
à l’image inverse de la (ou les) molécule(s) recherchée(s)
de la même manière qu’une clé correspond à
une serrure donnée. Il s’agit donc de reproduire par voie
chimique un site de reconnaissance antigènique. La synthèse
de ces supports appelés polymères à empreintes moléculaires
est décrite en figure 3.
Figure 3
: Principe de synthèse d’un polymère à empreintes
moléculaires. Schéma adapté de K. Haupt, Anal. Chem.
2003.
Ces deux types de supports permettent ainsi un traitement sélectif
de l’échantillon avant l’analyse de celui-ci par chromatographie.
Le potentiel de ces supports est illustré dans le cadre de l’analyse
d’un sol qui, dans le cas de son analyse directe par chromatographie
conduit à un signal difficilement exploitable (Figure 4a). En revanche
l’utilisation du support à empreintes moléculaires
(figure 4b) ou à base d’anticorps (Figure 4 c) permet l’extraction des
trois composés recherchés pour lesquels un signal facilement
exploitable est obtenu.
Ce résultat montre l’importance de développer des
outils sélectifs pour rendre l’analyse plus fiable. De plus,
ces supports permettre d’extraire de nombreux composés d’une
même famille structurale. Ainsi, appliqués à des toxines
connues, d’autres toxines non répertoriées peuvent
ainsi être mises en évidence et permettre de prévenir
ainsi des risques de santé publique par l’ajout de ces nouvelles
espèces lors des procédures de contrôle. D’autres
supports de ce type permettant de piéger des molécules en
exploitant non pas la reconnaissance structurale mais leur activité
vis-à-vis de notre organisme, tels que les perturbateurs endocriniens,
seront présentés.
|