Lundi 26 Septembre 2005

Elémentaire mon cher Watson ?

par Marie-Hélène Cherpin
Richard Marlet
Philippe Chopin

Préfecture de Police - Paris

Les empreintes digitales et les traces digitales

Préalable
Il convient d’emblée d’établir un distinguo entre les empreintes et les traces papillaires :
- les premières recueillies à l’occasion d’une signalisation d’un mis en cause (signalisations = relevés des empreintes papillaires, photographies de face-profil-trois-quart, relevé des empreintes génétiques) par un procédé traditionnel encré ou par une captation numérique portent sur les images des empreintes de la dernière phalange des dix doigts
- les secondes résultant du contact entre les surfaces des mains (doigts et paumes) avec un support sont produites à l’insu du « manipulateur » sont recueillies sur les scènes d’infraction ou révélées sur les objets touchés.


Le recours aux empreintes digitales en terme d’identification (1/1ou 1/n) repose sur la parfaite individualité des empreintes digitales, leur caractère inaltérable et immuable. Elles apparaissent dès la vie intra utérine et persistent jusqu’à des stades avancés de la putréfaction. Elles se reconstituent à l’identique tant que le derme n’est pas atteint.


Les empreintes digitales (1ère hypothèse) sont utilisées pour gérer les variations d’état-civil (alias = le mis en cause change son identité et homonymie = plusieurs individus différents utilisent la même identité). Les fichiers manuels d’empreintes digitales reposant sur une classification décadactylaires (les images des empreintes digitales peuvent être classées dans des grandes classes de forme : arc, boucle à droite ou à gauche, volute) étaient utilisés pour gérer ces variations d’état civil.

Les traces papillaires ont vocation à être identifiées par comparaison (une trace recueillie sur un objet et une empreinte digitale recueillie lors d’une signalisation, en utilisant cette fois les points caractéristiques des crêtes papillaires (arrêt de ligne, bifurcation, îlot, anneau, etc.). En France, pour valider une identification, il est nécessaire de mettre en évidence 12 points de comparaison (autrement appelés points caractéristiques ou minuties) et aucun point de divergence entre la trace de question et l’empreinte de comparaison.

Les traces papillaires, la plupart latentes, peuvent être révélées dès la scène de crime par des moyens mécaniques (poudres et pinceaux) ou plus tard dans le cadre de réquisitions judiciaires par des moyens physico-chimiques (crimescope, cyanoacrylate, DFO, etc.)
Depuis les années 1990, le Fichier Automatisé des Empreintes Digitales permet de résoudre les problèmes de variations d’état-civil ainsi que l’identification des traces digitales découvertes à l’occasion des scènes d’infraction.



Le fonds documentaire du FAED comprend actuellement les images des empreintes digitales de plus de 2 millions de personnes et permet pour le seul service de l’identité judiciaire de Paris l’identification de plus de cent individus par mois.



 

Les empreintes balistiques

 

 


Les caractéristiques générales des empreintes de tir des armes à feu

La balistique, au sens littéral du terme, est l’étude des phénomènes auxquels est soumis un projectile. D’un point de vue criminalistique, il s’agit d’exploiter tout ce qui, de près ou de loin, concerne les armes à feu et leur utilisation.
Si les descriptions, vérifications de bon fonctionnement, classification légale… font partie du travail de base, l’exploitation des caractéristiques générales des empreintes de tir des armes à feu, permettra d’apporter des éléments essentiels à l’enquête. Chaque arme possède son identité propre et marque d’une façon particulière les balles et douilles qui peuvent être retrouvées sur les scènes de crime. L’examen de ces éléments de munitions et de ces empreintes de tir, permettra de déterminer si plusieurs armes ont été utilisées, d’établir le type de cette, ou de ces armes, d’attribuer le tir à une arme suspecte, de vérifier l’antériorité de l’arme utilisée, d’alimenter des bases de données…

 


Depuis le début du 20ème siècle, les balisticiens n’ont eu de cesse que de réussir à améliorer les techniques et matériels nécessaires à ce travail. L’invention du microscope comparateur (en réalité macroscope de comparaison) de GRAVELLE en 1925, fut une étape primordiale. Les progrès de l’optique et de l’éclairage de précision ont fait, à ce jour, de la technique d’identification au microscope comparateur, la méthode de référence en usage dans tous les pays dotés d’une Police Scientifique.

 

Les empreintes génétiques

Le 28 février 1953, Jim Watson et Francis Crick découvraient la structure en double hélice de l’ADN (Acide DésoxyriboNucléique).
Depuis, nombre de scientifiques ont étudié cette molécule constituant le caractère propre et intime de tout organisme vivant.
Lorsque il y a une vingtaine d’année, les professeurs d’université enseignaient l’ADN à leurs étudiants, ils leurs parlaient de gène, de transcription, traduction, mutation, enzyme de restriction, séquençage, transformation de bactéries pour faire exprimer tel ou tel gène codant pour une protéine digne d’intérêt.
Il était alors très peu question du caractère polymorphe du génome humain.
Car en effet, si tout être humain possède des gènes identiques (ou a peu près ) à ceux de son voisin, il présente surtout beaucoup de différence, et notamment dans les séquences non codantes.
Ce sont ces différences qui constituent la base de l’identification par l’ADN.

En 1983, la police de Narborough (GB) est confrontée au viol suivi du meurtre d’une adolescente de 15 ans, les moyens d’identification biologique a disposition de la police scientifique -sous-typage protéique ou sérologique de tissus biologiques- sont alors peu discriminants.
Les 4 groupes sanguins utilisés avant l’ADN : érythrocytaires -(ABO et Rh), les systèmes Lewis et MNSs-, sériques -Gm et Km-, enzymatiques -phosphoglucomutase, estérase, 6-phospho-gluconate-déhydrogénase, adénosine-désaminase, adénylate-kinase, phosphatase-acide érythrocytaire-, et tissulaires - système HLA (Human Leucocyte Antigen)-.

De fait, l’analyse du sperme retrouvé sur la victime permet d'identifier l'agresseur comme ayant le statut de sécréteur de groupe A, phosphoglucomutase (GPM+1), ce qui correspond approximativement à dix pour cent de la population de la Grande-Bretagne.
3 ans plus tard, une autre adolescente est tuée dans le même secteur, le mode opératoire est similaire et le résultat des analyses identiques.
Un suspect -Richard Buckland - correspond à ces résultats mais nie absolument être l’auteur des faits.
L’un des policiers chargé de l’enquête se souvient alors d’avoir entendu parler des travaux sur le polymorphisme de l’ADN d’un certain Dr Alec Jeffreys, il le sollicite donc pour analyser les différents prélèvement biologiques.
La comparaison des profils ADN de Richard Buckland avec ceux issus des prélèvements de sperme retrouvés sur les victimes le disculpe radicalement.
Plus tard, après une enquête à grande échelle et le prélèvement de nombreux échantillons sérologiques (4,583) d'habitants mâles des villages avoisinants, le véritable auteur : Colin Pitchfork sera identifié.

Cette affaire est la première application de l’identification par l’ADN.
Depuis, la technique a évoluée, mais le principe reste le même.
Le polymorphisme étudié peut être un polymorphisme de taille (variation du nombre de répétition ex : VNTR, STR, …) ou un polymorphisme de séquence (SNP (HLA DQ?, Polymarker..))

L’accès a ces polymorphisme a également évolué, les enzymes de restriction historiquement utilisées ont été remplacées par la PCR permettant du coup de travailler sur des quantité infime de matériel biologique.

Par la suite, les analyses se bornant a comparer l’ADN de question (trouvé sur la scène d’infraction) avec l’ADN de comparaison (prélevé par exemple sur un suspect), ont été renforcées par la mise ne place de fichiers automatisés permettant la comparaison d’échantillons en grand nombre, et ce, à un échelon national voire international.


Spermatozoïdes vus au microscope


Micro trace de sang et éléments pileux sur une lame de couteau

 


Kit de prélèvement ADN


Electrophorégramme (profil génétique)

Electrophorégramme (profil génétique)
L’ADN humain présente en certains endroits des zones de séquence répétées (motif de 4 ou 5 acides nucléiques, répétés n fois). Pour chaque zone de séquences répétées, c’est le nombre de répétitions qui peut varier d’une personne à l’autre et donc, les différencie. Plus les répétitions sont nombreuses, plus la taille de la séquence est grande. On parle de polymorphisme de taille.

L’electrophorégramme permet d’analyser plusieurs séries de séquences en trouvant pour chacune le nombre de répétitions du motif.
Seule une petite partie de l’ADN total est analysée. Les zones d’ADN sont d’abord amplifiées et marquées avec un fluorochrome, puis les fragments résultants sont triés dans un gel d’électrophorèse en fonction de leurs tailles, et donc du nombre de répétitions ; les petits fragments migrent rapidement et les plus grands sont retenus plus longtemps dans le gel .

Chaque ligne de l’electrophorégramme correspond a une couleur de fluorochrome (bleu pour la ligne du haut, vert au milieu, jaune en bas). Le nom des 11 zones -ou systèmes- étudiées est mentionné au dessus de chaque série de pics. Les traits gris en ligne de fond correspondent à « l’échelle allélique » ou marqueur de taille. Ce sont des brins d’ADN synthétique dont la composition et la taille (le nombre de répétitions) est connu, ce qui permet par comparaison de mesurer la taille de l’ADN à analyser.
La position du pic coloré correspond à une taille de fragment d’ADN et donc à un nombre précis de répétitions.
Ainsi, par exemple pour le système D3S1358 situé sur le chromosome 3, on peut trouver de 12 à 19 répétitions du motif des 4 acides nucléiques qui composent n fois (ici, de 12 à 19) cette séquence. Pour l’illustration présentée ici, l’individu analysé possède 15 répétitions sur l’un des chromosomes de la paire n° 3 et 17 répétitions sur l’autre, l’un venant de son père, l’autre de sa mère.
On identifie de la même façon le nombre de répétitions pour chacun des 11 systèmes.


Programme 2005