Lundi 21 Mars 2005

Le ruissellement des liquides :

gouttes, pointes et méandres

par Marc Fermigier et Laurent Limat

Ecole Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles

 

Nous avons tous observé ce phénomène : des gouttes et des filets d'eau se déplaçant sur une surface solide, entraînés par la gravité lorsqu'il pleut sur les fenêtres, emportés par l'écoulement d'air sur le pare brise d'une voiture. Ces écoulements interfaciaux sont également rencontrés dans nombre de procédés de génie chimique et ils y jouent souvent un rôle crucial.

Commençons par examiner les conditions dans lesquelles un liquide s'étale sur un solide : selon la nature des matériaux on passe d'un comportement de mouillage parfait (de l'huile sur du verre très propre) au mouillage partiel (de l'eau sur du plastique) puis au non mouillage (du mercure sur du verre).

Nous nous intéresserons ici uniquement au régime de mouillage partiel. Essayons de déplacer la goutte posée en utilisant la gravité, tout simplement en inclinant le support solide. Si l'inclinaison est trop faible, la goutte reste bloquée. C'est la signature de l'hystérésis de mouillage, provoqué par les défauts microscopiques du substrat. En augmentant encore l'inclinaison nous constatons que la goutte se déplace à vitesse constante. La vitesse de déplacement est fixée par la dissipation visqueuse au sein du liquide. Les lois de l'hydrodynamique classique conduisent par ailleurs à un paradoxe : la dissipation dans le bord de la goutte devrait être infinie et empêcher son mouvement !

La goutte ruisselante permet de réaliser simultanément deux expériences : une de mouillage(à l'avant de la goutte) et une de démouillage (à l'arrière de la goutte). C'est cette dernière opération qui devient problématique si on cherche à déplacer la goutte trop rapidement. Au delà d'une vitesse limite de démouillage la goutte développe un coin à l'arrière (figure 1).

Figure1

Coin à l'arrière d'une goutte

En allant encore plus rapidement, l'arrière de la goutte devient instable et finit par abandonner des gouttelettes sur le solide. Cette expérience a un corollaire dans l'opération qui consiste à tirer une plaque hors d'un bain de liquide : si on tire la plaque assez lentement, elle ressort sèche ; si on tire à une vitesse supérieure à la vitesse critique, on entraîne un film. C'est le principe de la méthode de couchage par trempage (dip coating).

Il est donc impossible de déplacer rapidement le liquide sous forme de gouttes, il faut plutôt avoir recours à des ruisselets. Mais là encore, la physique du mouillage nous réserve quelques surprises. Des ruisselets assez lents suivent sans problème la ligne de plus grande pente. Toutefois, si on augmente la vitesse de d'écoulement, on voit les ruisselets divaguer à gauche et à droite pour former des méandres presque réguliers (figure 2). L'origine de cette instabilité de méandrage est encore obscure.


Figure 2 : Instabilité de méandrage

 

Programme 2005