Lundi 26 Avril 2004

Sur la génèse des formes
en Physique et en Botanique

par Yves Couder et Marc Rabaud

Ecole Normale Supérieure / Université Paris VII
Université Paris XI

 

Peut-être parce que nos ancêtres ont dû longtemps survivre dans la nature, notre œil et notre cerveau sont devenus d'excellents outils pour voir, comparer et corréler des formes. Cette dernière compétence se traduit dans la langue elle même, et nous aimons parler de vagues pour les dunes du désert ou d’arborescences pour les formes dues aux infiltrations…


Pour des raisons de méthodologie scientifique, les physiciens, les géophysiciens ou les biologistes étudient d’abord isolément les divers phénomènes qui génèrent des formes. Ils y découvrent l’existence d’instabilités qui rompent spontanément les symétries. Ces ruptures de symétrie ont une certaine universalité et c’est pourquoi, au cours des dernières décennies, le rapprochement de travaux issus de ces différentes communautés a révélé que des phénomènes apparemment très éloignés créent des formes voisines. En s’appuyant sur les exemples de la digitation visqueuse et de la croissance cristalline on montrera comment une structure voisine des équations théoriques explique la similarité des formes obtenues dans ces expériences. Il est intéressant de noter qu’on retrouve souvent ainsi un soutien mathématique aux intuitions exprimées par la simple observation et son expression dans le langage courant.

 


A gauche, nervures de la feuille.
A droite, craquelures obtenues
lors de la dessiccation d'un gel.

 

 

Agrandissement de la zone marquée en rouge

 

Un cas particulier concerne les formes du monde vivant. C’est D’Arcy Thompson qui au début du vingtième siècle a été le premier à tenter de reconnaître dans ces formes des principes d’organisation physiques. Dans la deuxième partie de l’exposé, on montrera que des phénomènes d’auto-organisation utilisant les lois de la physique sont à l’œuvre lors de la croissance des plantes. C’est ainsi que les arrangements des feuilles autour d’une tige (phyllotaxie) sont directement liés à un problème d’optimisation de pavages à deux dimensions. Pour cette raison, ces dispositions sont proches parentes des cristaux et des quasi-cristaux. On pourra aussi s'intéresser aux réseaux formés par la nervation des feuilles. On discutera la non-contradiction entre ces phénomènes d’auto-organisation et le déterminisme génétique.

 

Programme 2004