Lundi 5 decembre 2011 Chimie des atmosphères planétaires Bruno Bézard Observatoire de Paris - Meudon |
Les atmosphères planétaires sont le siège de divers processus physico-chimiques qui gouvernent leur composition. Ce que nous en savons provient de quelques mesures in situ effectuées par des sondes de descente atmosphérique, mais surtout de mesures spectroscopiques conduites à distance par les missions spatiales et les télescopes au sol.
Mars, Vénus et Titan, satellite de Saturne, illustrent la diversité des atmosphères planétaires et des processus chimiques qui se déroulent en leur sein. L’atmosphère de Mars, composée majoritairement de dioxyde de carbone, est très fine et très oxydante. Vénus, elle aussi composée de dioxyde de carbone, a une atmosphère très dense avec des nuages d’acide sulfurique concentré, produit par un cycle photochimique du soufre. Titan, constitué de diazote et de méthane, est le siège dans sa haute atmosphère d’une photochimie couplée de ces deux composés qui produit des composés organiques complexes et une brume d’aérosols qui obscurcit sa surface.
Le rayonnement ultraviolet du Soleil et les particules chargées provenant de la magnétosphère des planètes dissocient à haute altitude certains composés comme le dioxyde de carbone et la vapeur d’eau sur Vénus et Mars, ou le méthane sur les planètes géantes et Titan. Les radicaux produits, réagissant avec d’autres molécules, sont à l’origine d’une photochimie complexe qui conduit à la production d’une variété de composés oxygénés sur Vénus et Mars, de composés soufrés sur Vénus, d’hydrocarbures et de nitriles sur Titan etc. Cette photochimie produit également des aérosols qui peuvent former des couches très denses comme les nuages d’acide sulfurique sur Vénus ou la brume photochimique orangée de Titan. Suite de processus photochimiques sur Titan conduisant à la production de composés organiques complexes et d’aérosols photochimiques (d’après Waite et al. 2007, Science 316, 870).
Les atmosphères ne sont pas isolées et interagissent avec la surface, par des processus d’altération et de séquestration, et avec l’intérieur de la planète par volcanisme. Ainsi, le méthane de Titan serait détruit en quelques dizaines de millions d’années sans l’existence d’un cryo-volcanisme qui le régénère, et les nuages d’acide sulfurique de Vénus disparaitraient en quelques millions d’années sans injection continue ou épisodique de dioxyde de soufre. La couleur rouge du sol de Mars résulte de l’oxydation des roches par l’atmosphère. Des composés exogènes peuvent aussi enrichir la composition chimique des atmosphères. Ainsi, la chute de la comète Shoemaker-Levy 9 en 1994 a créé par chimie de choc et déposé dans la stratosphère de Jupiter plusieurs espèces dont le monoxyde de carbone et le cyanure d’hydrogène qui sont encore aujourd’hui détectés.
Images des impacts de la comète Shoemaker-Levy 9 sur la planète Jupiter, prises en juillet 1994 par le Télescope Spatial Hubble (Crédit NASA).
Enfin, la circulation atmosphérique peut affecter la composition chimique. La basse atmosphère des planètes géantes est globalement à l’équilibre thermochimique mais on y détecte aussi quelques composés hors-équilibre (e.g. phosphine, germane, monoxyde de carbone) qui proviennent des couches profondes plus chaudes où ils sont stables et sont amenés par convection jusqu’aux niveaux observables. L’étonnante diversité des atmosphères planétaires résulte en grande partie de l’action des mêmes processus physico-chimiques à l’œuvre dans des atmosphères de composition chimique et de structure physique différentes. Leur étude est l’objet de la planétologie comparée. |